Action du 14 juin 2008



Samedi 14 juin 2008


Plus de 70 personnes ont manifesté avec TaPaGeS (TransPédéGouines de Strasbourg), OtR (Over the Rainbow) et STS (Support Transgenre Strasbourg) ce samedi 14 juin à l'occasion de la 7ème Marche de la Visibilité Homosexuelle, Bisexuelle et Transgenre de Strasbourg. Le mot d'ordre choisi cette année par les organisateurs de la Marche était : « Ados Trans Homos, du mal-être au suicide : AGISSONS ! »

Notre pink-black-red block (notre arc-en-ciel à nous) affirmait : « Nous ne voulons pas d'un monde plus « tolérant », nous voulons un monde différent »

Tract diffusé lors de cette Marche : 



Tract


NOUS NE VOULONS PAS D'UN MONDE PLUS « TOLÉRANT »
NOUS VOULONS UN MONDE DIFFÉRENT




Nous sommes mortEs des millions de fois...

Cette année, nous sommes mortEs assassinée comme Sizakele Sigasa, activiste lesbienne en Afrique du Sud, ou Luna, transgenre au Portugal ; mortEs sous les coups de nos compagnons comme plus de 100 femmes en France ; mortEs du SIDA comme 2 millions de personnes ; mort pendu comme Makwan, pédé iranien ; morte défenestrée comme Chunlan Liu-Zhang, sans-papière chinoise, mort pendu comme John Maïna, Kenyan sans-papiers de 19 ans, effrayéEs par l'imminence d'une expulsion.
La liste peut se poursuivre.
Elle est affolante.
Cette année, nous avons failli mourir, assassiné par l'État français comme Hamid, pédé régularisé de justesse avant expulsion ; suicidéEs, comme des centaines de jeunes ; comme des milliers de personnes LGBTI (Lesbiennes, Gay, Bi, Trans' et Intersexes), transiEs de honte, de peur, briséEs par les mutilations, les stigmatisations, les harcèlements, la haine.
Ces morts, toutes différentes, ont des causes politiques. Elles sont les conséquences directes des logiques meurtrières du patriarcat et du capitalisme. Elles en sont les effets. Elles n'appellent pas la lente et patiente déconstruction des oppressions. Elles appellent leur destruction : il y a urgence. Nous mourons d'être soumisEs à un monde où les traitements relèvent de la propriété privée ; où le Nord fait la loi économique et militaire du Sud ; où les vies, les désirs, les orientations sont hiérarchisées, donnant accès à des privilèges, où choisir son genre est une pathologie ; où seuls circulent librement les capitaux. Où il existe des capitaux.


Nos morts et nos vies sont politiques

On nous renvoie à la sphère privée, à ses thérapeutes, à des cellules de soutien et de support. Que, dans nos souffrances, quelque chose soit à chaque fois singulier ne fait pas de doute : nous ne sommes pas interchangeables, nous avons des histoires différentes. Pour autant, ce que vivent femmes, pédés, trans', gouines, bi, étrangerEs, putes, toxs, séropos, précaires, jeunes, vieux/vieilles, salariéEs, taulardEs, aussi diverses soient les expériences, n'est jamais totalement unique. Nous ne sommes jamais seulEs à vivre ce que nous vivons.
D'autres le subissent aussi. De cette communauté d'expériences, il faut une faire une force. Une force défensive : contre la violence sociale, contre la normativité étouffante et mortifère ; une force qui fasse peur : un rapport de force.
Cela ne suppose pas d'additionner les minorités les unes aux autres, de les empiler : nous ne sommes pas minoritaires, nous sommes le plus grand nombre, celui qui n'a rien à gagner à jouer le jeu de la concurrence et du profit, à s'accommoder des rapports sociaux de sexe institués, à supporter plus longtemps le sarkozysme.


Sarkozy = morts

Le sarkozysme est une ignominie : celle des rafles, du chiffre, de la peur de chacunE d'être contrôléE, arrêtéE, expulséE ; celle des vies quotidiennes devenues précisément invivables ; celle des franchises médicales de Bachelot (tu es malade,  tu paies : double peine) ; celle de la destruction méthodique de toute solidarité ; celle du soutien mensonger apporté aux flics lorsqu'ils provoquent la mort de deux ados à Clichy-sous-Bois ; celle du discours raciste de Dakar.
Tant de brutalité, de hargne pour nous faire perdre ce que des générations, de luttes en luttes, avaient réussi à conquérir : la retraite, la Sécu, etc. Tant de vulgarité pour servir la nouvelle maxime du pouvoir : « chacun pour soi, tout pour sa gueule ». Nous avons bien failli ne pas en réchapper et pourtant : nous sommes encore là, furieux/ses et fièrEs, plus mobiliséEs et intransigeantEs que jamais.
Nous avons contemplé le PS et ses satellites définitivement sombrer dans la glorification du drapeau français, de la famille, de « l'ordre juste ». Nous avons vu cette gauche montrer son vrai visage : elle est couarde, opportuniste, de droite. Nous savons qu'il n'y a rien à attendre d'elle : tout au plus, quelques trahisons supplémentaires.


L'insulte de la tolérance

Dans le souci constant qu'a le capital d'apparaître respectable et dans le souci que tous semblent avoir de tenter de le séduire, les gays et les lesbiennes sont devenuEs une monnaie d'échange, un petit « plus » progressiste pour camoufler les projets anti-sociaux et racistes. On nous exhibe pour faire la leçon au monde entier (« Union européenne fer-de-lance-des-droits-de-l’homme »), on nous promet des Pacs améliorés pour faire modernes. Nous sommes peut-être idiotEs, mais nous n’avons pas la mémoire courte : ils nous rêvent dupes, nous n'oublions rien. Vanneste, Boutin, Lellouche, Accoyer incarnent l'homophobie sarkozyste massive, ostentatoire et fière de la droite. Le président, « hétérosexuel de naissance », s'est d'ailleurs dépêché, sitôt élu, d'aller se faire bénir par l'ignoble Benoît XVI. Mais l'expression de leur haine désormais est précautionneuse. On n'ose plus trop parler comme Vanneste. On applique en revanche sa politique : en inscrivant l’inégalité dans la loi, support et légitimation de toutes les homo/transphobies quotidiennes. La droite, le Modem, le PS, leurs amiEs se gargarisent sans cesse d’un mot, celui de « tolérance ». C'est un symptôme. On ne peut plus nous détester ouvertement. À la place, on prêche la tolérance. Seulement voilà : nous ne voulons pas être toléréEs. La tolérance, c'est ce que le colon admet du colonisé, de ses coutumes et ses pratiques. La tolérance soigne et entérine le rapport de force : ce sont toujours eux, les puissants, qui concèdent le droit de survivre, en condamnant nos rires hystériques, nos comportements revêches, nos allures de tapettes.
La tolérance, c'est la haine qui se déguise en pitié, le placard qui se referme à moitié, le gris des vies invisibles.
Elle trace la frontière de ce qu'on peut à la limite supporter.
Nous sommes insupportables. 


Christopher Street Day

Insupportables quand nous existons,
insupportables quand nous sommes heureux/ses,
insupportables quand nous sommes visibles,
insupportables quand nous baisons.
Oui, nous sommes insupportables et fièrEs de l'être : nous ne sommes pas qu'une succession de douleurs, de vexations, d'humiliations, d'agressions, de meurtres. Nous possédons aussi une histoire lumineuse : des secrets, des complots, des plans invraisemblables, des tendresses hallucinantes, des désirs irracontables, des amours dingues, des perversités polymorphes et sophistiquées... Nous sommes irrésistibles, drôles et belles - parce que nous sommes furieux/ses et impatientEs. Nous voudrions dépareiller dans une « communauté » satisfaite d'elle-même et résignée, morne et accommodante.
Et cela nous met de bonne humeur !
Nous ne nous réconcilierons pas avec un monde tel que celui-ci.
La marche de la Visibilité qui nous mobilise aujourd’hui doit redevenir ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être : une journée où tendres et intraitables, graves et déchaînéEs, nous reprenons courage.
Une journée où nous célébrons celles et ceux qui, talons aiguille à la main, en 69, ont tenu tête aux flics plusieurs jours et nuits à Christopher Street, devant le bar Stonewall Inn.
Celles et ceux qui, par la suite, ont fait de la marche ce haut lieu « d'exhibitionnisme sexuel » qui fait tant horreur aux fascistes et qui, nous, nous ravit.
Celles et ceux qui, de tout temps, vomissent les marchands et les tièdes. Celles et ceux enfin qui, aujourd'hui, en Pologne, en Russie, bravent la peur, tiennent la rue.


Détruire et reconstruire

Nous n'avons la tentation ni des enclaves ni des communautés, ni des ghettos ni des espaces pseudo-libérés. Ce n'est pas des abris dans le monde que nous cherchons, des lieux ponctuellement et localement soustraits à la violence de l’hétéropatriarcat et du capitalisme. Nous voulons rester dans le monde : il nous appartient. Pour que cela soit possible, il faudra bien le transformer.

De force défensive devenir force offensive. Détruire ce qui nous détruit et construire collectivement un monde habitable, intense, débarrassé de l'oppression et de l'exploitation.



TaPaGeS, le 14 juin 2008
TransPédéGouines de Strasbourg




Photos de l'action


 
 





URL de cette page : http://tapages67.org/_pages/actions/act_20080614.html

Copyright © TaPaGeS 2008