Communiqué de presse



Lundi 5 juin 2006



Nous, non-mariéEs de l'An II



Le 5 juin 2004, à Bègles, se célébrait le premier mariage d'un couple de même sexe en France. La plupart des politiques, des ordres religieux, des psys se sont excités : "différence des sexes, ordre symbolique, la Nature, pays pas prêt, prendre le temps du débat", etc. Dominique de Villepin, alors ministre de l'intérieur, exigeait des sanctions. Le PS regardait ses pieds lorsqu'il ne "dérapait" pas : Ségolène Royal mettait ainsi en garde contre la "confusion des repères et (la) provocation injustifiée des convictions familiales et religieuses"... Cette homophobie insidieuse faisait écho à l'homophobie épaisse des groupes fascisants qui s'exprimaient devant la mairie de Bègles. Toutes deux sont chaque jour légitimées, légalisées par la Loi : le mariage de Bègles a été annulé par la cour d'appel de Bordeaux en avril 2005.

En mai 2005, Patrick Ollier, maire UMP de Rueil-Malmaison, interdisait le mariage entre Camille (transsexuée opérée, devenue femme pour l'état civil en 1999) et Monica (transsexuée non opérée et homme pour l'état civil), y voyant une "absence de projet matrimonial"... Transphobie ostentatoire, hallucinante de haine et de mauvaise foi. Il semblerait que Christian Vanneste soit l'idéologue, plus ou moins avoué, de l'UMP de Sarkozy.

Le mariage, si je veux !

CertainEs ont ironisé : le mariage témoignait de la normalisation des homosexuelLEs, "le monde n'est plus ce qu'il était..." On nous renvoyait Pasolini et autres à la figure : Ahh, la belle époque où les pédés vivaient cachés, le bon temps où ils se faisaient buter sur les plages italiennes !

Les bons notables faisaient la morale : "Où est donc passée votre subversion d'antan ?"... Toujours plus commode d'exiger que les autres vivent ce que l'on a renoncé à être soi-même.

D'autres rappelaient à juste titre que le mariage pesait de tout son poids dans l'oppression séculaire des femmes.

Certes, à titres personnels, nous n'avons jamais été adeptes du mariage, rêvant, vivant d'autres formes d'associations. Mais nous avons réclamé - et nous continuons à le faire - le droit de ne pas nous marier. Droit qui nécessite que le mariage soit une option possible.

Le mariage n'est pas qu'un symbole !

Quoi qu'on pense du mariage, il est inadmisssible qu'une partie de la population, en raison de son orientation de sexe ou de genre, en soit exclue. Le mariage ouvre des droits : le droit au séjour, notamment. Les lois racistes de Sarkozy nous rappellent, si nous l'avions oublié, combien la politique de l'État français est xénophobe, et combien la vie des migrants est ici précaire. Précarité et répression singulières pour les transpédégouines : le droit d'asile est un slogan sans consistance et le PaCS n'est pas un critère déterminant pour l'obtention de papiers. Les flics de Sarkozy expulsent : Robson, brésilien pacsé est expulsé en janvier dernier, Taoufik, marocain pacsé expulsé en mars...

Pour ne pas avoir à ouvrir le mariage aux couples de même sexe, ils nous promettent monts et merveilles avec un PaCS amélioré. Pas touche au mariage : il est l'une des clés, peut-être la plus symbolique, la plus visible, du dispositif de normativisation hétérosexuelle de nos vies. Au cœur du Code Civil : la discrimination.

Lorsqu'on "casse" du pédé, de la gouine et/ou du/de la trans', on ne fait après tout que s'en prendre à des citoyenNEs de seconde zone, reconnuEs comme telLEs par l'État...

Le mariage est une étape !

Lors de la discussion sur le PaCS à l'Assemblée Nationale, Christine Boutin, Bible à la main et larme à l'œil, y voyait une porte ouverte pour plein d'autres revendications. Bien vu ! Oui, nous exigeons que partout où la loi est explicitement ou implicitement discriminatoire, elle soit modifiée.

Nous exigeons :

- Le droit au mariage civil pour les couples de même sexe ; l'extension aux couples homosexuels de l'ensemble des avantages (sociaux, fiscaux, séjour) dont bénéficient les couples hétérosexuels ; l'égalité des droits entre les différents statuts civils et fiscaux : PaCS, mariage, concubinage et célibat.

- L'accès à la Procréation Médicalement Assistée et à l'adoption quels que soient l'orientation sexuelle, l'identité de genre ou le statut marital du/de la ou des demandeurs/demanderesses.

- La simplification de la procédure de changement d'état civil pour les trans' (transsexuéEs et transgenre) qu'elles ou ils soient opéréEs ou non, la reconnaissance de leurs droits parentaux.

- La suppression de toute mention relative au sexe et au genre sur les papiers d'identité et documents administratifs.


C'est le droit à l'égalité pleine et entière que nous défendons. Le droit au mariage pour les personnes LGBT en est l'une des conditions ! En France, mais aussi en Europe : nous ne nous résignons pas à ce que l'harmonisation se fasse toujours par le bas, indexée aux ordres du Capital et des divers Vaticans. Alors que dans le monde les transpédégouines sont menacéEs, agresséEs, le droit au mariage en France, peut être, à sa mesure, un levier pour les luttes que mènent partout nos sœurs.

Privées de droits :

Lorsque les transpédégouines moscovites se font frapper et arrêter, le Quai d'Orsay, par ailleurs bien timide, dégaine "pour nous défendre" un très suspect "respect de la vie privée" : Il n'y a pas là qu'une maladresse. Pour l'État, nos vies amoureuses et sexuelles restent privées. Privées de droits ? Comment peut-on encore parler de vie privée lorsqu'une personne homosexuelle, en France, connaît un risque de suicide treize fois supérieur à celui d'une personne hétérosexuelle de même âge et de même condition sociale ? Comment peut-on parler de vie privée quand les agressions à l'encontre de personnes homosexuelles se multiplient ? Quand les insultes nous accompagnent au quotidien ? Quand la Loi et l'État font une différence entre monde transpédégouine et monde straight ?

Nos corps et nos désirs sont politiques. Saisis par la politique. Qu'on le veuille ou non. Si ça ne fait pas de nous automatiquement des "rebelles", cela nous rappelle qu'il n'y a pas de fatalité mais des décisions, des choix et des responsabilités politiques. Il faut défaire l'Ordre des choses. Et s'opposer sans relâche à la privatisation de nos vies qui nous laisse tributaire du bon-vouloir des humanistes et des marchands. Et qui pour l'heure nous discrimine, nous opprime.


TaPaGeS, le 5 juin 2006
Transpédégouines de Strasbourg






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