Communiqué de presse et appel



Mardi 15 novembre 2005


Si toutes les racailles du monde...


La brutalité policière, la propagande à vomir de l'immense majorité des media, les obscènes parades liberticides de la droite, les lamentables platitudes de la gauche parlementaire, la passivité de l'extrême-gauche...

Deux jeunes sont morts dans un transformateur. Ils avaient vu des flics. Ils ont couru. Se demandera-t-on un jour quel poids de peur, d'humiliation, de vexation inspire la police pour qu'on s'en aille mourir ainsi ?

Une partie de la jeunesse, stigmatisée, injuriée, se révolte. Des voitures flambent. C'est désolant, mais nous préférons cela aux incendies d'immeubles insalubres et de leurs occupants africains. On décrète l'état d'urgence dont se servait en son temps Maurice Papon (il va bien, merci pour lui).

Retour symbolique à la guerre d'Algérie avec son cortège de racisme, de colonialisme frustré, la police qui quadrille nos rues, l'État qui contrevient à la liberté d'expression et de circulation, et les "ratonnades"...

L'extrême-droite pavoise, la droite jubile, racole et provoque, et quant au PS - qui n'a jamais lésiné sur les lois policières, qui n'a jamais remédié à la misère -, lui, il s'occupe de son congrès...

La "collection hiver" hésite entre le bleu marine et le brun kaki. 75 % des français approuvent, paraît-il, Sarkozy.

La misère des si bien nommées banlieues explose à la gueule d'une République inégalitaire, colonialiste et raciste.

La bourgeoisie ne tardera pas à aller faire des rations de sucre avant de s'enfermer dans ses beaux quartiers, avec ses digicodes et ses caméras de surveillance.

Les bonnes âmes de "gôche" se bouchent le nez : ces jeunes ne respectent rien. Pensez, ils n'ont même pas déposé de préavis d'insurrection ! La lutte des classes n'est plus ce qu'elle était...

Le racisme le plus gras s'expose à visage découvert. L'ennemi ce seraient les arabes, des hordes de jeunes manipulées par des imams. La Préfecture conseille au Centre Gay et Lesbien de fermer ses portes après 20 h : la racaille sexiste, homophobe, lesbophobe et transphobe, assoiffée de violence, entrerait dans Paris... La guerre des civilisations, en quelque sorte. Cette division est judicieuse : des jeunes fanatisés en route pour nous agresser, et une République tolérante, égalitaire, protectrice. Bien joué !

Sauf que nous voyons mal de quel droit se prévalent l'État français et ce gouvernement, ouvertement homophobes et transphobes, pour tout d'un coup s'auto-proclamer défenseurs intransigeants de minorités. Nos droits (bien maigres), nous les avons acquis par la lutte. Et si effectivement nous n'avons pas grand chose à attendre des religions, qu'elle soit par exemple catholique en Pologne ou musulmane en Iran, nous ne faisons pas de la foi individuelle un critère d'exclusion, pas plus que nous n'accordons de crédit à l'imagerie mensongère d'une jeunesse soi-disant djihadisée.

Certes, ce n'est ni grand soir, ni grand matin. Trente ans de dépolitisation sciemment entretenue ont eu raison de nombre de projets d'émancipation, de revendications progressistes. L'extrême misère, mauvaise conseillère délibérément créée et entretenue, voire institutionnalisée, divise et égare.

À TaPaGeS, cette jeunesse-là, nous ne la connaissons pas bien. Mais nous la rencontrons parce que nous y avons des amantEs qui vivent pour la plupart cachéEs (et les lois discriminantes de la "République" ne font qu'aggraver - voire justifier - cet état). Nous la connaissons par quelques luttes communes - rares, et il faudra redoubler nos efforts, demain, pour que convergent nos résistances. Quelles que soient les difficultés et les malentendus.

Transpédégouines, nous savons nous aussi ce qu'est le délit de faciès, l'injure, la discrimination inscrite dans la loi même.
Transpédégouines, nous sommes aussi précaires - et nous subissons aussi la violence du capitalisme.
Transpédégouines, nous souffrons du même monde asphyxiant.
C'est beaucoup.
C'est encore peu.

Nous ne parlerons donc pas en leur nom. Nous n'affirmerons même pas notre solidarité : ce serait déplacé, nous n'encourons pas aujourd'hui les mêmes risques qu'eux.

Mais nous ne nous trompons pas : ce sont bien l'État et ses appareils idéologiques, l'État et ses appareils répressifs, le patronat et ses sbires qui aujourd'hui sont responsables de la situation.

Nous dénonçons la répression policière, l'infâme état d'exception, le racisme d'État avec ses contrôles policiers, ses rafles, les expulsions passées et à venir, les discriminations permanentes, l'insécurité sociale.

Nous exigeons la libération des personnes interpelléEs, la régularisation de toutes celles et de tous ceux qui en font la demande, l'égalité de fait et de droit pour touTEs.

En 1966, un an après les révoltes des noirs américains, les situationnistes de Strasbourg écrivaient : "la révolution nous brûle comme les rues de Watts". Le nom des rues change, mais la rage reste la même : "Burn, baby, burn!"

Plus que jamais, la révolution nous brûle : l'envie d'en finir avec ce monde de misère, d'humiliation.

Et ceci exige la mobilisation, le rassemblement de tous celles et ceux que cette société opprime.


TaPaGeS, le 15 novembre 2005
Transpédégouines de Strasbourg






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