Communiqué de presse
Jeudi 1er décembre 2005
Le SIDA, grande non-cause nationale
Ce qui est pratique avec Chirac, c'est qu'on peut tout prédire à l'avance. Lorsqu'il a décrété, au bout de dix ans, l'année dernière, le SIDA "grande cause nationale", il y avait tout à parier que rien ne changerait, que ça s'aggraverait même. On aurait dû parier, on aurait gagné. Mais on a moyennement envie de jouer avec lui, et pas du tout envie de jouer avec ça...
Aujourd'hui, le travail de lutte contre le SIDA incombe aux seules associations, dont le gouvernement s'acharne méticuleusement à diminuer les subventions. Voire qu'il réprime quand elles s'opposent à son inertie et à son cynisme (il y a tout juste un an, des militantEs d'Act Up-Paris étaient arrêtéEs après une action devant l'Élysée).
Il restera de ces deux décennies, l'une mitterrandienne, l'autre chiraquienne, un immense cimetière, rempli à ras de tous/-tes ceux/celles que cette société vomit, opprime et humilie : les femmes, les étrangerEs, les tox, les putes, les taulardEs, les transpédégouines, et des continents entiers qu'après avoir pressurés ils laissent crever, la main sur le cœur et le portefeuille.
Car s'il peut toucher tout le monde, tout le monde n'est pas à égalité devant le SIDA. La répression des tox et des putes, les rafles de sans-papiers, ce que subissent les milieux populaires, l'indignité des conditions de vie des taulardEs, la politique transphobe et homophobe de l'État maintiennent dans la précarité, la clandestinité tout un pan de la société qui n'a accès ni à la prévention ni aux soins.
Et puis d'ailleurs quelle prévention ? Quels soins ?
Certes, régulièrement, ils inventent bien une campagne édifiante de mièvrerie pour se soulager la conscience. Mais qu'en est-il d'une vraie politique volontariste en milieu scolaire, professionnel, qui n'éluderait pas ce dont il s'agit réellement ? Le SIDA s'attrape en baisant ou par le shoot. Et c'est de cela dont il faut parler : pas d'amour, de sentiments, de petits oiseaux, de ciel bleu ou de morale. La recrudescence des contaminations chez les jeunes, les pratiques à risques ne se préviennent ni par l'hypocrisie ni, d'ailleurs, par les anathèmes.
Et les soins ? La politique libérale, publique ou privée, se fout éperdument de la santé : démantèlement de l'Aide Médicale d'État, à quand la privatisation totale des hôpitaux et de la Sécu ?
À l'aune de leurs calculs, nous ne valons rien, nous ne vaudrons jamais rien. Le capitalisme est un système de mort qui prospère sur les charniers qu'il fabrique.
L'inégalité devant la prévention, devant les traitements, les discriminations dont sont victimes les personnes contaminées témoignent de ce que nous éprouvons, individuellement, chaque jour. Ce monde est fait pour les hommes riches, blancs, hétéros, en bonne santé, chrétiens... Et mieux vaut avoir tous les numéros...
Nous exigeons de toute urgence le financement à 100 %, par les États qui s'y sont engagés, du plan mondial de contrôle de la pandémie établi en 2001, l'arrêt des persécutions dont sont victimes les migranEts, l'abrogation des lois Sarkozy, la libération des détenuEs malades, de vraies politiques de prévention de l'homophobie et de la transphobie, un contrôle contraignant de l'industrie pharmaceutique.
Nous ne voulons plus d'une politique indexée sur les désirs du Vatican et les dividendes des actionnaires !
Nos marches et nos actions le 1er décembre ne peuvent être seulement du souvenir. Elles sont faites de rage devant le cynisme et l'hypocrisie des États, à commencer par la France. Elles sont de combat : la seule chose à même d'inverser l'inertie.
Et, ensemble, nous prenons date : nous nous battrons pour ne pas mourir prochainement. C'est déjà bien assez sinistre de vivre sous Chirac, Villepin et Sarkozy.
TaPaGeS, le 1er décembre 2005
Transpédégouines de Strasbourg
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