Communiqué de presse



Lundi 5 mars 2007



C'est qui "ON" ?
Têtu parle en notre nom



À vrai dire, ça faisait un bail que nous n'avions pas ouvert Têtu.

C'est un texte des Panthères Roses qui nous fait y revenir et le lire à nouveau. Enfin, le lire c'est un bien grand mot : le regarder. Têtu c'est le condensé de ce que l'on craint pour nos vies. Des existences interchangeables, normées, bien dans les clous.

Dans un texte misérable, qui ouvre le n° 120, de mars 2007, de Têtu, Thomas Doustaly, le directeur de la rédaction, affirme : "On a gagné". On l'avait allègrement abandonné lorsqu'il nous sommait en tant que pédégouines de voter "25 fois oui" au Traité de Constitution Européenne. On le retrouve en grande forme, amnistiant Sarkozy et le PS et braillant comme un supporter de football.

Doustaly écrit ainsi, en conclusion : "On peut toutefois prévoir que le deuxième tour de l'élection présidentielle verra s'opposer Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, et pour ce qui nous concerne, quel que soit le vainqueur, les homosexuels pourront accéder soit à une union style PACS, soit au mariage. On peut donc dire qu'on a gagné."

La droite, la gauche : tout ça c'est, à le lire, la même chose. Et c'est vrai : bien souvent (et pour le pire) c'est la même chose. Sauf que, sur ce cas là, il y a comme une différence. Pour les transpédégouines, la gauche de droite se donne des airs progressistes. Fait mine d'être de gauche, bagarreuse contre les inégalités.

À TaPaGeS, nous sommes aussi putes, chômeurs/-ses, trans', étrangerEs, étudiantEs, salariéEs, etc. : ça émousse notre enthousiasme. À TaPaGeS, nous avons la mémoire des trahisons de cette gauche, de ses promesses jamais tenues, de ses politiques sécuritaires, anti-immigrées, libérales, etc.

Nous ne sommes pas dupes de cette gauche-là.

Mais nous sommes bien obligéEs de constater que depuis le vote du PACS ou les déclarations de Royal, le PS, sur la question du mariage, a avancé.

Donc on a GAGNE dit Doustaly. Ah bon ? Gagné quoi ? Ben le mariage, ou un sous-machin du même genre. Quelle lumineuse victoire ! On aura enfin le droit de ressembler à nos parents... Nous en sommes tout émuEs. "Le jour de gloire, etc. etc." Certes ce n'est pas rien, le mariage : on est pour. Pour les autres. Comme on est pour la transformation de la Loi partout où celle-ci est discriminante.

Bien sûr, cela déterminera notre vote (plutôt notre non-vote). Rien pour la droite de Sarkozy (et de Bayrou). Il est stupéfiant d'ailleurs de lire dans le même édito que "personne ne peut raisonnablement croire (à) l'homophobie imaginaire du ministre de l'intérieur". On s'en fout que Sarkozy ne soit pas, personnellement, homophobe. On sait juste que son refus du mariage est homophobe, que ses déclarations sur l'homoparentalité le sont, que Christine Boutin est sa conseillère, et que Vanneste est toujours dans son parti...

Rien donc pour la droite sécuritaire, libérale, familialiste, etc. Pas grand chose non plus pour la gauche qui lui ressemble.

Car si l'on paraphrase Doustaly, "ce qui nous concerne" est irréductible au seul droit au mariage. Irréductible même aux seuls droits des personnes LGBT. Car nous ne sommes pas que cela.

ON a gagné dit Doustaly. Une question nous taraude : qui est ce ON qui a gagné ? Rapide sondage, totalement non-représentatif, autour de nous : "Pas moi" répondent, pour une fois unanimes, nos amantEs et nos amiEs.

Car ON a gagné si ON n'en a que pour sa gueule.
Si ON n'est pas trans.
Si ON n'est pas sans-papiers.
Si ON n'est pas précaire.
Si ON n'est pas séropo.
Si ON n'est pas pute.
Si ON n'est pas PolonaisE, IranienNE ou Tchétchène.
Si ON n'a pour désir que de pouvoir se marier ou s'unifier devant unE quelconque représentantE de l'État.
Etc.


Toute "chose" que nous sommes ou pourrions être.

Le ON de Doustaly est un ON de français aisé de droite séronégatif.

Au ON de Doustaly nous opposons notre NOUS, circonscrit, de transpédégouines radicalement affairéEs à refuser ce monde.
Un NOUS qui veut le droit au mariage pour avoir le droit de ne pas s'y rallier.
Un NOUS internationaliste qui aimerait bien que les solidarités se fassent plus consistantes, que l'on cesse de crever en Afrique du SIDA parce que le marché n'est pas porteur.
Un NOUS universaliste (ou qui tend à l'être) qui se refuse à être volé jour après jour de ses existences.
Un NOUS égalitariste, persuadéEs que l'on ne s'émancipe pas toutE seulE ou par catégories.
Un NOUS fragile, convergence d'individus asphyxiés, qui découvre sur son chemin d'autres oppressions spécifiques et s'en mêle.


Non : NOUS n'avons pas gagné.
Nous exigeons l'égalité des droits. Et nous en sommes encore loin.
Nous exigeons de vivre dans une société débarrassée de l'homophobie, de la lesbophobie et de la transphobie. Et pas à coup de flics et de lois. Mais par un travail de prévention et d'éducation.
Nous exigeons une société libérée de l'oppression et de l'exploitation.


Ce jour-là (mais peut-être n'avons nous rien compris ?) ne coïncidera pas avec le 6 mai au soir. Alors, quels que soient nos votes (ou nos non-votes) individuels, nous persisterons, en colère, entêtéEs, têtuEs, joyeux/-ses et déséspéréEs. Car nos exigences pour aboutir sont tributaires de nos mobilisations, de notre détermination, de notre acharnement. Avec d'autres. Et, dès lors, sans Têtu.


TaPaGeS (TransPédéGouines de Strasbourg), le 5 mars 2007






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